Afrique

Laurent GBAGBO rend un émouvant hommage à sa défunte mère Gado Marguerite

Comme vous le savez certainement, la CPI n’a pas autorisé Laurent Gbagbo à se rendre aux obsèques de sa mère ce week-end à Blouzon. Il a quand même tenu à y délivrer un message émouvant en mémoire de sa mère.

Dans une lettre qui a été lue par son avocat, Me Sylvain Dakoury venu des Pays-Bas pour la circonstance, l’ex-chef d’État, emprisonné à la Haye, a décrit sa mère, «une femme volontaire, un modèle de courage» à qui il doit presque tout. Un vibrant hommage qui a ému l’assistance.

Chers amis, c’est le cœur lourd que je voudrais dire un mot sur ma mère, une femme volontaire, un modèle de courage. Bien qu’issue d’une famille modeste, et elle-même illettrée, ma mère a tout de suite compris l’importance de l’école. Elle nous aura poussé de toutes ses forces, ma sœur Jeannette et moi-même, ses deux seuls enfants que le sort lui avait destiné, à apprendre, à comprendre et aller aussi loin que possible.

Je dois dire ici combien de fois ma mère et mon père ont été, à ce point de vue, importants. Nos deux parents, à Jeannette et à moi, partageaient la même vision du monde, les mêmes espoirs pour leurs enfants, la même foi en l’avenir. Mon père, comme vous le savez, était un ancien combattant de la Seconde guerre mondiale et croyait en l’éducation, aux efforts pour se réaliser.

En 1962, j’ai obtenu mon Bepc. C’était une réussite, et pour tous, un moment important. De bonnes âmes ont alors conseillé à maman de me convaincre de devenir instituteur, une fonction qui m’était désormais ouverte. Cela nous aurait permis, et d’abord à elle, de vivre mieux. Son ambition était plus haute. Elle a refusé et leur a répondu haut et fort:  »Mon fils ira à l’école aussi loin que son intelligence le permettra. Moi, je suis prête à faire tous les travaux (…) pour qu’il en soit ainsi ».

Son heure de gloire a sonné en juin 1965. En ce mois-là, cette année-là, j’ai obtenu le deuxième baccalauréat, et ma sœur a obtenu son Bepc. Ma mère était fière, fière et heureuse. Cette réussite était d’autant plus importante pour nous que grâce au sésame qui était le baccalauréat, je pouvais entrer à l’université. J’allais même bénéficier d’une bourse de 25.000 fcfa par mois. J’ai tout de suite aimé ce que j’étudiais, et je me suis plongé dans les textes afin de découvrir l’intelligence du monde, parallèlement, nous nous organisions pour initier des mouvements syndicaux afin de faire avancer la cause de la démocratie. D’ailleurs, en mai 1969, nous avons déclenché avec nos amis représentants des lycées dont Dacoury-Tabley Philippe Henri, un important mouvement de grève. Nous voulions la liberté.


J’ai dit que nous étions de famille pauvre. La  »vieille », c’est ainsi qu’on nommait affectueusement maman, elle travaillait. Mais, pour pouvoir nous envoyer à l’école, ma sœur et moi, elle travaillait deux fois plus. Chaque année, elle faisait deux rizières au lieu d’une. Une rizière pour les besoins de la maison. Et une rizière dont elle vendait le produit aux commerçantes dioula, ce qui lui permettait de nous acheter cahiers et habits dans la ville voisine de Gagnoa. Les livres nous étaient fournis gratuitement par l’administration coloniale. A charge pour chaque élève de tous les restituer, et en bon état en fin d’année scolaire, pour qu’ils servent à nos successeurs. Ainsi, les enfants des riches et les enfants des pauvres se trouvaient-ils à égalité. C’est ce modèle-là que j’ai voulu reproduire et développer quand je suis devenu chef d’État. Et c’est en m’inspirant de ce que j’avais connu, que j’ai lancé le mot d’ordre  »Ecole gratuite pour tous ». Parce qu’il est pour moi évident que les enfants de ce pays doivent être absolument égaux devant les études.

Quant à mon père, dont maman avait divorcé en 1950 lorsque j’avais 5 ans, il était devenu, de retour de la guerre, agent de police. Je vais vous dire que, bien qu’issus de milieu simple, ma mère et mon père avaient une conscience politique aiguë, l’un et l’autre, ainsi que tous mes oncles maternels, étaient inscrits à la Sfio dont ils avaient pris la carte très jeunes. C’est aussi cette conscience politique qui explique dans quelle haute estime ils ont tenu l’éducation.

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