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« Seigneur, je n’en peux plus » : prêtre pendant 26 ans, j’ai tout quitté pour me marier

Voilà quatre ans, j’ai vécu un grand changement dans ma vie. J’avais alors 53 ans. Depuis l’âge de 27 ans, je suis prêtre dans l’Église catholique, engagé à vivre dans le célibat. Mais le célibat, quand on est jeune, on pense qu’on le vivra bien, avec l’aide de Dieu.

Mais les réalités de la vie, l’histoire personnelle, la solitude affective malgré les nombreuses rencontres avec les paroissiens, font que pour être fidèle à soi-même, il est parfois nécessaire de changer.

J’ai rencontré Christine, nous sommes devenus amis

J’ai rencontré pour la première fois Christine en 1998, lorsqu’elle est venue inscrire sa fille aînée au catéchisme. Lorsque chaque parent s’est présenté en début de réunion, Christine a évoqué sa situation de femme seule, divorcée, avec deux enfants.

 

En juillet 1999, elle téléphone à la paroisse, demande à me rencontrer. Je l’accueille dans l’heure qui suit. Ses paroles et ses larmes montrent une profonde souffrance. Je l’écoute. Pour elle, ce soir du 13 juillet marque le début d’une renaissance.

 

Entre nous commence alors un chemin d’amitié, nous échangeons beaucoup sur la foi chrétienne, sur la vie de l’Eglise, sur nos souhaits d’un renouvellement de sa structure que nous trouvons parfois bien loin des évangiles et des paroles de Jésus.

 

Régulièrement elle m’invite à partager le repas, un moment de convivialité où ses enfants sont heureux de ma présence et de jouer un moment avec moi !

 

Je m’interdis de penser à l’amour

 

Deux ans plus tard, je suis nommé dans une autre paroisse. « Qu’allons-nous devenir sans vous ? », réagit Christine. Nous continuons à nous voir les premiers temps, mais assez vite la distance s’installe et nous perdons un peu contact.

 

De mon côté, la nouvelle responsabilité qui m’est confiée me fait glisser dans une dépression. De fait, en mai 2002, je m’arrête. L’évêque veut me nommer ailleurs, je refuse et décide contre sa volonté de m’octroyer un temps de rétablissement psychique et physique (j’ai perdu douze kilos en six mois).

 

Christine reprend contact après ma reprise dans une autre paroisse du diocèse. En 2006, elle change d’orientation professionnelle et devient salariée d’une paroisse proche de chez elle, pour suivre l’éveil religieux des petits, la catéchèse des enfants et l’aumônerie scolaire des ados. Son changement de travail va nous conduire à nous rapprocher pour échanger nos idées sur sa nouvelle activité. Nous sommes heureux de ces échanges.

 

Au fil du temps, je me rends bien compte que Christine compte pour moi. Mais je suis prêtre, je m’interdis de penser que cette amitié est un amour. En plus, elle me vouvoie et garde une distance envers moi.

 

Je saurais plus tard qu’elle aussi a des sentiments pour moi, mais elle s’interdit elle aussi d’employer le mot amour.

 

« Seigneur, je n’en peux plus, j’arrête. »

 

Février 2010. Une intervention chirurgicale m’oblige à prendre un temps de repos. Christine m’invite chez elle, deux semaines « en famille » nous obligent à voir la réalité de nos sentiments et d’en parler.

 

De là commence pour moi un long temps d’interrogation : que faire de cet amour que je n’avais pas voulu reconnaître, appeler par son nom ? Trois mois difficiles car il y a non seulement l’amour mais aussi un mal-être dans le fonctionnement de l’Église, qui s’amplifie de jour en jour.

 

Je ne me retrouve plus guère dans ces règlements qui enferment les personnes alors que Jésus est venu apporter la libération des cœurs et des esprits. J’avais le sentiment que si je restais dans le ministère de prêtre, je vieillirai en étant aigri, triste. Je ne voulais pas cela car un prêtre malheureux ne peut pas rendre ses paroissiens heureux.

 

Le 8 mai 2010, je prends la décision au plus profond de mon cœur :

 

« Seigneur, je n’en peux plus, j’arrête. »

 

Je n’ai pas pu annoncer ma décision à mes paroissiens. Comment ma hiérarchie va-t-elle réagir ? Je ne me fais pas d’illusions.

 

De fait, entre juin et septembre, je vois très souvent l’évêque, à sa demande. Chaque rencontre est une épreuve. Il exige que je coupe immédiatement toute relation avec « cette femme », ainsi l’appelle-t-il car je ne lui ai jamais dit qui elle est.


 

L’évêque me dit à plusieurs reprises que tous les prêtres qui renoncent au ministère sont malheureux. De plus, il exige que je garde le silence sur ma demande et lorsque finalement je confirme ma décision de quitter le ministère de prêtre, il m’interdit de l’annoncer moi-même aux paroissiens.

 

Il ira lui-même annoncer la nouvelle, voulant ainsi montrer à tous la gravité de ma décision.

 

Ma foi est là, bien vivante

 

Deux semaines après le 10 octobre 2010, date de mon départ de la paroisse, l’évêque demande à nous rencontrer. Son bref passage à la maison laissera des traces en nous, car il dépasse son rôle d’évêque : très en colère, il envoie Christine en enfer et me promet le jugement de Dieu.

 

Difficile après tout cela de se reconstruire. De plus, aucune aide à la reconversion professionnelle ne m’est proposée, ni aucun soutien financier, je disparais des listes du diocèse du jour au lendemain. Mais notre bonheur d’être ensemble est une force.

 

Nous aurions pu, suite à la violence des paroles de l’évêque, rejeter non seulement l’Église catholique mais aussi la foi chrétienne, il n’en est rien. Notre foi est là, bien vivante.

 

Je prends le temps d’écrire mes réflexions, mes questions sur l’Église. Je sais que ce n’est qu’une goutte d’eau, mais c’est ma contribution à son renouvellement en profondeur, en particulier de son institution, si urgent pour notre temps.

 

Pierre Blanc

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