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« Je t’offre un CDI si tu couches avec moi » : obèse, je vis la discrimination à l’embauche

« L’habit ne fait pas le moine. » Je me suis souvent répété ce dicton pour me rassurer et me convaincre de l’idiotie de certains employeurs. Car dans mon parcours professionnel, j’ai souvent été victime de discrimination à l’embauche.

J’ai toujours été obèse. Mais mon poids ne devrait en aucun cas influencer le choix d’un employeur. Non, ce qui compte, c’est mon expérience professionnelle, mes qualités humaines et mes capacités. Pas mon physique.

À 150 kg, je ne rentrais pas dans le « moule »

Quand j’avais 24 ans, j’ai postulé pour un petit boulot en tant que caissière à Monoprix. En arrivant au rendez-vous, on m’a demandé de remplir une fiche de renseignement. Sur le coup, je me suis dit que ça devait être un moyen de savoir si j’étais capable de lire et d’écrire. Rien de bien méchant.

En rendant ma feuille, la responsable n’y a même pas jeté un œil. Elle m’a dévisagée et m’a déclaré d’un ton hautain : « Est-ce que vous savez lire ? »

J’étais stupéfaite. Elle avait la réponse sous les yeux, alors pourquoi m’avoir posé cette question ? Quand je lui ai demandé des explications, elle m’a simplement répondu, en me dévisageant de la tête aux pieds, que nous étions nombreux à candidater. Elle m’a gratifiée d’un sourire crispé et m’a déclaré qu’elle me rappellerait. Je n’ai jamais eu de nouvelles.

En prenant la sortie, j’ai compris. Trop tard. Le magasin ne sélectionnait pas les candidates selon leurs capacités, mais simplement en s’appuyant sur leur physique, toujours avantageux. À l’époque, je pesais 150 kg. Je ne rentrais donc pas dans « leur moule ».

« Si tu couches, tu auras un CDI »

Huit ans plus tard, j’ai obtenu un poste par piston dans un cabinet d’architecture d’intérieur. Très vite, on m’a fait comprendre que je faisais du bon boulot, mais qu’il était hors de question que j’assiste aux réunions de chantier. Les autres s’en chargeraient. J’ai, là encore, demandé des explications, mais tout ce qu’on m’a répondu n’avait aucun sens.

Et puis un jour, au bout de six mois, le chef de l’entreprise m’a convoquée dans son bureau. Il m’a expliqué que je faisais un excellent travail et qu’il était prêt à me donner un CDI. Ma joie est très vite retombée lorsqu’il a ajouté :

« Ce CDI, il est pour toi si tu passes par ma garçonnière. Ne fais pas ta difficile. »

Il m’a fait comprendre que coucher avec lui serait un moment de gloire car en tant qu’obèse, on ne devait pas se bousculer au portillon. Je l’ai insulté et j’ai claqué la porte.

Je ne suis pas ******, je ne pue pas

J’ai poursuivi ma carrière dans la presse médicale. Là encore, on m’a fait comprendre que je n’étais pas la bienvenue sur les salons professionnels car je ne « présentais » pas suffisamment bien. Je leur ai demandé s’il fallait nécessairement rentrer dans du 36 et avoir un sourire benêt pour être « présentable ». Ils n’ont pas su quoi répondre et j’ai pu aller dans les salons.

Le problème avec la discrimination à l’embauche, c’est que les gens vous disent rarement pourquoi vous n’avez pas été choisi. Faire des recours en justice, ça m’a déjà effleuré l’esprit mais il faut avoir des preuves de ce que l’on avance et c’est très difficile de constituer un dossier solide.

Et puis, à quoi bon finalement remuer le couteau dans la plaie ? De toutes les façons, je ne voudrais pas travailler pour quelqu’un qui s’appuie sur le physique pour se faire une idée des gens. Ce n’est pas parce que vous êtes grosses, que vous puez de dessous les bras ou que vous êtes idiots !

« Ça ne passera pas à cause du physique »

Dans ma carrière, j’ai envoyé des centaines de CV. Je n’ai pas toujours eu de réponses, mais je ne suis pas sûre que cela soit lié à mon physique, car une photo-portait n’a pas le même impact qu’une photo de plain-pied.

Mais quand j’arrivais à décrocher un entretien, j’avais souvent la même réaction en face de moi : »Ah, c’est vous. Je ne vous avais pas reconnue », sous-entendu : « votre visage ne dit pas que vous êtes obèse. »

Je me souviens d’une fois où j’avais postulé pour un poste dans la santé. J’avais passé de longs entretiens, d’innombrables tests, pour faire partie des deux finalistes. La DRH m’avait dit que « j’étais la personne qu’il fallait » et qu’il ne manquait plus que l’aval du directeur de service.


Je suis donc arrivée à cet ultime entretien. Tout semblait bien se passer. Alors que j’étais raccompagnée par le responsable, je le questionne sur mes chances. Il me répond qu’il n’est pas sûr que ça passe. Surprise, je lui demande les raisons de son choix. Il me balance : « C’est le physique ».

S’entendre dire ce genre de choses, ça fait affreusement mal. Blessée, écœurée, j’ai eu le sentiment que peu importe que je sois bardée de diplômes, les gens continueraient à m’envoyer dans les choux.

CV anonyme ou non, ça ne change rien

Je ne pense pas que le CV anonyme aurait pu stopper quoi que ce soit. Que l’on puisse voir ou non votre visage, votre nom, votre âge avant un possible entretien, cela ne change rien. Si un employeur ne veut pas de vous parce que vous n’avez « pas la gueule de l’emploi », il ne se gênera pour vous le dire.

Je n’ai pas le physique de l’emploi, mais je n’ai pas non plus envie d’être embauchée pour mes courbes flatteuses. Pas question non plus de devenir anorexique et flinguer ma santé juste pour plaire à un employeur. Parfois je me dis que si j’avais eu le physique de Nabilla, peut-être que j’aurais décroché l’un de ces postes. Heureusement, je ne suis pas Nabilla.

Aujourd’hui, le monde du travail est devenu de plus en plus superficiel et sans-gêne. Peu importe que le CV soit anonyme ou non, si vous ne rentrez pas dans les cases à cause de votre physique, de vos origines, de votre look, vous n’aurez pas les mêmes avantages qu’une personne « normale ».

À force de constater que ma « tronche » ne revenait pas aux employeurs, j’ai décidé de me mettre à mon propre compte et j’en suis ravie.

J’estime que le CV anonyme n’aura aucun impact sur les discriminations à l’embauche. Non, la vraie solution serait de pouvoir épingler les auteurs de ces discriminations, les condamner pour leur faire comprendre une bonne fois pour toute que l’habit ne vaut rien « .

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