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Présidentielle ivoirienne / Pourquoi la Mission d’observation de l’UA est une incohérence !

Une mission de l’Union Africaine séjourne à Abidjan dans le cadre de la présidentielle du 31 octobre 2020. Sa présence sur le territoire pour ladite présidentielle au moment où la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples attend que l’État ivoirien exécute plusieurs de ses arrêtés sur ladite élection est plus qu’incohérente et renseigne sur les difficultés de la faitière des États à discipliner le continent.

L’Union Africaine n’est pas à une incohérence prête dans le dossier ivoirien. On le voit aisément dans les circonvolutions diplomatiques des missions qui se succèdent au chevet du pachyderme ivoirien en proie à des troubles préélectoraux.

Alors que l’opposition n’a pas encore trouvé de consensus sur la sincérité et la crédibilité de l’élection, l’Union Africaine dont la médiation n’a pourtant pas porté de fruits déploie des observateurs pour cette présidentielle. Et ce jusqu’au 6 novembre. La feuille de route de cette mission sera de :

« (i) fournir un rapport précis comprenant une évaluation impartiale de la présidentielle du 31 octobre 2020 en République de Côte d’Ivoire, y compris le niveau de conformité de celle-ci avec les normes nationales, régionales, continentales et internationales régissant les élections démocratiques; (ii) formuler des recommandations pour l’amélioration des processus électoraux futurs dans le pays sur la base des constatations et ainsi ; (iii) démontrer la solidarité et le soutien de l’Union africaine au processus électoral en République de Côte d’Ivoire en s’assurant que la conduite de l’élection présidentielle, contribue à la consolidation de la gouvernance démocratique, à la paix et à la stabilité dans le pays ».

Ces objectifs de la Mission auraient pu être crédibles et auraient évité un gaspillage en temps en et en ressources financières si l’Union Africaine était un peu conséquente avec elle-même. En effet, l’Union Africaine a-t-elle vraiment besoin de se déployer en Côte d’Ivoire pour juger de la conformité de cette présidentielle « avec les normes nationales, régionales, continentales et internationales  » ?

Non, parce que tout simplement, l’État ivoirien s’est déjà mis dans une posture claire en refusant d’exécuter les décisions de la plus haute cour de justice créée sous l’égide de l’Union Africaine. Des décisions qui enjoignaient à l’État ivoirien de prendre des dispositions qui rendraient la présidentielle crédible et aux normes continentales et internationales.

Sur la recomposition des CEI locales par exemple, la CADHP avait dit le 15 juillet 2020 ceci : «  la Cour a constaté que l’État défendeur n’a pas pleinement respecté les articles 17 de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance (la CADEG) et 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et, par conséquent, a violé ces dispositions.« 

Mieux, la Cour avait ordonné à l’État ivoirien de « prendre les mesures nécessaires pour garantir que de nouvelles élections du Bureau fondées sur la nouvelle composition de l’organe électoral soient organisées aux niveaux locaux« . A 5 jours de la présidentielle, ce pan de l’arrêt du 15 juillet 2020 n’a pas été exécuté. Quelle sera la crédibilité donc d’une élection présidentielle dans laquelle le pouvoir contrôle presqu’à 100% les CEI locales ?


Secundo, la Cour Africaine des Droits de l’homme et des peuples avait enjoint à la Côte d’Ivoire de  » prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement les obstacles empêchant le requérant Guillaume Soro de jouir de ses droits d’élire et d’être élu, notamment lors de la présidentielle de 2020″. Une même décision avait été prise en faveur de Gbagbo.

La réaction du chef de L’État et candidat Alassane Ouattara a été sans équivoque: « Pour nous elles sont nulles et de nul effet et ne seront pas appliquées ». La suite est connue, la Côte d’Ivoire est entrée dans une zone de turbulences avec de nombreux morts. Et une crise plus grave qui pourrait survenir de la contestation du 3e mandat de Ouattara.

En fermant les yeux sur la bravade d’Abidjan à propos des décisions de sa propre cour de justice, l’Union Africaine fait montre d’une de ces incohérences qui sapent sa crédibilité. On verra bien comment elle jugera une élection à laquelle ne participe pas l’opposition et où les commissions locales appartiennent au pouvoir  » contribue à la consolidation de la gouvernance démocratique, à la paix et à la stabilité dans le pays ».

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