Côte d'Ivoire

France: la carrière d’un avocat ivoirien brisée, par la préférence nationale ivoirienne

Cet ivoirien avocat de formation avait tout pour réussir sa brillante carrière. Inscrit au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis (Nord de Paris), un cabinet à Neuilly-sur-Marne et des dossiers confiés par ses clients, tout semblait bien parti.  Mais l’ascension professionnelle de l’Ivoirien Jonas Loubao Zadi, 43 ans, s’est brutalement arrêtée le 26 janvier.

Tout commence au mois de Juillet 2016, lorsque l’avocat ivoirien se voit contraindre de cesser son activité professionnelle par le Parquet général de la Cour d’appel de Paris. Son inscription au barreau de Seine-Saint-Denis est donc suspendue. Il restitue sa carte professionnelle et dépose les clés.

Ballotté entre, d’une part, le barreau de Seine-Saint-Denis, qui l’a inscrit et continue à le soutenir et, d’autre part, le recours du procureur général contre cette inscription déposée le 12 juillet 2016. Maitre Jonas Loubao Zadi gardait encore une lueur d’espoir pour sauver sa  prometteuse carrière dans l’audience du 8 décembre 2016, devant les juges de la cour d’appel de Paris. Et comme pour mettre toutes les chances de son côté, il s’était attaché les services du Franco-Congolais Me Philippe Missamou, réputé pour ses joutes oratoires dans les prétoires parisiens. Également adversaire de feu Me Jacques Vergès, ainsi que de Me Versini Campinchi, avocat dans l’affaire dite des disparus du Beach, en référence à la disparition en mai 1999 des dizaines de personnes dans le port fluvial de Brazzaville, au Congo.

Devant la cour d’appel, Me Missamou a usé de tous les arguments pour sauver la carrière naissante de Jonas Loubao Zadi. Il n’a pas manqué de rappeler que ce dernier était arrivé en France à l’âge de 14 ans et qu’il y a effectué toute sa scolarité jusqu’à l’obtention de la maîtrise en droit, puis d’un master en administration et échanges internationaux, ainsi qu’un doctorat et, enfin, le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Le défenseur du jeune avocat ivoirien a abattu ses dernières cartes en soulignant les attaches familiales en France de son client et l’assimilation par ce dernier des « valeurs culturelles, intellectuelles, historiques et sociales de la France ».

Préférence nationale

Mais pour la cour d’appel de Paris, c’est un niet face à cet argumentaire. Elle a maintenu son refus d’autoriser M. Zadi à poursuivre sa carrière d’avocat en France. Si la juridiction parisienne ne veut pas mettre en doute l’aptitude de l’avocat à exercer en France, elle opte pour une application sans demi-mesure de la réciprocité. En effet dans la juridiction ivoirienne, selon l’article 3 de la loi ivoirienne du 27 juillet 1981, il n’est pas permis à un Français d’être inscrit dans un barreau de Côte d’Ivoire.« nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il ne remplit la condition suivante : être ivoirien ». Alors pour les juges français,  puisqu’un Français ne peut prétendre à une carrière d’avocat dans un barreau ivoirien, il ne sera donc pas permis à un ivoirien d’être inscrit dans un barreau français.

Afin de mieux mettre en évidence « cette préférence nationale à l’ivoirienne », la cour d’appel de Paris ajoute que l’article 20 de la même loi ivoirienne dispose explicitement que « toute personne qui demande son inscription en stage est tenue de fournir au conseil de l’ordre les pièces établissant qu’elle possède la nationalité ivoirienne ».

Rappelons qu’en vertu d’une directive communautaire entrée en vigueur en janvier 2015, cette loi sur la condition de l’exercice d’un avocat en Côte d’Ivoire a évolué. Il serait donc désormais possible à tout ressortissant d’un pays membre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) de devenir avocat en Côte d’Ivoire.


En revanche, un Ghanéen, un Gambien, un Guinéen, a fortiori un Camerounais ou un Éthiopien ne peut pas actuellement devenir avocat en Côte d’Ivoire. C’est un verrouillage inexplicable du métier d’avocat, une profession pourtant libérale et mondialisée, qui nuit à M. Zadi.

Il est donc clair que tant que la loi ne changera pas en Côte d’Ivoire, il est désormais à craindre qu’aucun Ivoirien ne puisse accéder à la profession d’avocat en France.

Hippolyte YEO

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