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Ernesto Djédjé, 38 ans après: Tout sur la vie du plus grand artiste-musicien de la Côte d’Ivoire

Il restera probablement le meilleur artiste-musicien ivoirien de tous les temps. Lui, c’est Blé Loué Djédjé Ernest dit Ernesto Djédjé. Mort le 9 juin 1983 à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire, cet artiste-musicien aura marqué son temps et légué aux mélomanes ivoiriens une œuvre discographique hors du commun. 38 ans après, AfrikMag revient sur la vie de cet homme exceptionnel, en souvenir pour les anciens mais aussi et surtout pour faire connaitre cet artiste à la génération présente.

Le Jeudi 9 juin 1983 restera à jamais comme un jour terrible pour ceux qui à cette époque se berçaient des sonorités exquises et endiablées de celui qu’on surnommait l’épervier ou encore le « Gnoantré National ». Ce jour succombait à Yamoussoukro, le meilleur artiste ivoirien de son époque et de tous les temps selon plusieurs puristes. 38 ans après son décès brutal à 36 ans seulement, son souvenir est vivace chaque fois qu’une des sonorités dont il avait le secret est jouée quelque part dans le monde.

Né en 1947 en Côte d’Ivoire dans le village de Tahiraguhé ( Daloa), Blé Loué Djédjé Ernest est le fils d’un Sénégalais du nom de Touré, homme d’affaires qui abandonne très tôt son fils pour travailler en Centrafrique. Imam de Bangui en plus de ses affaires, il ne reverra plus son fils jusqu’à sa mort en 1971 au Sénégal. C’est donc sa mère Blé Dapia qui éduque le jeune Ernest, aidée dans cette tâche par son frère Blé Loué.

C’est du nom de ce dernier que Ernest sera baptisé Blé Loué Ernest Djédjé. Dès l’âge de 10 ans, Ernesto est initié au « Tohourou », un rythme traditionnel du terroir Bheté. Il affûte ses armes, travaille sa voix et développe ses talents de poète. En 1963, il monte avec Kanté Mamadi, son ami guinéen un orchestre de fortune appelé les « Antilopes ». Durant cette période, il apprend le maniement de la guitare.

Ernesto Djédjé, 38 ans après: Tout sur la vie du plus grand artiste-musicien de la Côte d'Ivoire
La maquette d’un des albums du « Gnoantré National »

L’orchestre joue à Daloa et dans les autres villes environnantes. En 1965, il est repéré et recruté par l’artiste Nahounou Digbeu dit Amédée Pierre. Avec son ami Mamadi Kanté, il donne la plénitude de son talent dans l’orchestre Ivoiro-Star d’Amédée. Son travail et son talent lui valent de diriger l’orchestre de 1965 à 1968. Pendant ces 3 ans, Djedjé se perfectionne à la guitare métallique.

La séparation avec Amédée Pierre

Depuis quelques temps des rumeurs vont bon train sur des bisbilles possibles entre Ernesto et Amédée. Cela parce que Djédjé a décidé de faire une carrière solo. Mieux, il se dit que Amédée n’aurait pas été informé et que c’est avec surprise qu’il aurait rencontré Ernesto au bal des étudiants du Meeci en 1972 à Metz en France. Amédée qui séjourne en France pour plusieurs mois à cette époque engage encore Djedjé pour sa tournée hexagonale. Cependant Ernesto ne jouera que lors d’un seul concert. Il laisse sa place à Dido Pascal.

La tension est palpable entre le fils et le père. Une situation qui pousse Djédjé à rester un peu plus en France lorsque Amédée est de retour à Abidjan. C’est en France qu’il enregistre l’album « Mamadou Coulibaly » du nom de l’ancien président du Conseil économique et social sous Houphouët. Ensuite, il met sur le marché « Zokou Gbeuly » en hommage au chef guerrier Bheté de Daloa qui s’opposa aux colons jusqu’en 1912. Ses albums font une bonne percée sur la scène ivoirienne. Il songe à revenir au pays. Nous sommes en 1973.

Ernesto Djédjé, 38 ans après: Tout sur la vie du plus grand artiste-musicien de la Côte d'Ivoire

Son retour à Abidjan.

Quand Ernesto rentre en 1973, il tente un coup pour révolutionner la musique ivoirienne. Pendant 2 ans, il fait un savant dosage de Makossa, de Rumba et de Disco à travers ses chansons. Après cet intermède de 2 ans, il revient à ses vieilles amours, la musique traditionnelle Bheté. Et ce qu’il sort en 1975 en dit long sur ses relations conflictuelles avec Amédée Pierre.

L’album « Aguissè » est une pure merveille musicale certes, mais il est une réponse à Amédée Pierre qui quelques temps auparavant avait sorti une chanson dans laquelle il attaquait Ernesto en paraboles, en le traitant d’ingrat à qui il aurait appris à chanter. Ce que Djédjé conteste subtilement en disant dans « Aguissè » qu’on ne peut pas apprendre à chanter à quelqu’un et que cela découle d’un don naturel…

Djédjé se rend dans la foulée au Nigeria où il découvre l’Afro beat de Fela Anikulapo Kuti. Il a un eurêka. Il se sent capable de créer quelque chose de propre à lui en mélangeant ce rythme à son rythme propre à lui et à sa danse Bheté. Il crée alors le ZIGLIBITHY. Nous sommes en 1975-1976.

Ernesto Djédjé, 38 ans après: Tout sur la vie du plus grand artiste-musicien de la Côte d'Ivoire
Ernesto Djédjé dans l’un de ses spectacles en live

ZIBOTÉ, l’ALBUM DE FEU...

Ernesto est revenu du Nigeria avec la ferme ambition d’asseoir son hégémonie sur la musique ivoirienne. En 1977, il retourne au Nigeria et avec l’aide du plus puissant producteur vivant en Côte d’Ivoire à l’époque, Raimi Gbadamassi dit BADMOS, il sort son premier 33 tours. Enregistré à Lagos après 6 mois de studio, ZIBOTÉ est un succès continental et place Ernesto en tête des hits.


ZIBOTÉ est partout et Djedjé a pris définitivement le pouvoir. Alors que la musique traditionnelle ivoirienne commençait à s’enfoncer face aux grands rythmes africains et occidentaux en vogue, il la réinvente et l’impose à nouveau. Le Producteur BADMOS n’en croit pas ses yeux, lui qui avec BADMOS store et Makainos, ses entreprises, n’avait pas eu autant de publicité, rencontre aussi un succès commercial énorme.

Naturellement, Ernesto est élu Meilleur artiste ivoirien en 1977 à la suite d’un vote organisé par le journal ID (Ivoire dimanche. Le meilleur artiste ivoirien voit grand. Il lui faut un orchestre à la dimension de son talent et de sa renommée. C’est ce qu’il fera avec les ZIGLIBITHIENS…

Ernesto Djédjé, 38 ans après: Tout sur la vie du plus grand artiste-musicien de la Côte d'Ivoire
Djédjé à ses débuts dans les années 70

Le ROI du ZIGLIBITHY, au sommet de son art avant sa mort brutale.

Avec sa chanson « Ato Boigny ZEGUEHI  » en 1977, Djédjé devient un intouchable en Côte d’Ivoire. Il joue dans les plus grandes réceptions du pays. Et pour mieux se faire voir, il monte en 1978, son orchestre les ZIGLIBITIENS. On y retrouve à la batterie Diabo Steck, Bamba Yang au clavier et à la guitare. Léon Sina, GBA Eugène, Assalé Best chef d’orchestre, Yodé, Tagus, Abou et Youbla. Comme danseur, un certain John Mayal issu du groupe les Black Devils. Il deviendra John Yalley par la suite.

Avec ce groupe, Djédjé fait des merveilles en alignant concerts sur concerts. Il est l’artiste le plus sollicité en Côte d’Ivoire. Et il assure toujours. En 1979, il met « GOLOZO » sur le marché. Le succès est encore là. Porté par ce succès , Ernesto sort AZONADÉ en 1980. Entre temps, Henri Konan Bédié, président de l’assemblée nationale lui offre un orchestre complet. Le titre « Konan Bédié » que Djédjé sort pour lui dire Merci est une chanson culte qui est jouée encore aujourd’hui dans les cérémonies du PDCI. Comme s’il sent sa fin proche, l’artiste enchaine les albums à un rythme effréné. En 1981, l’album « ZOUZOU PALEGUÉ » est parlant tant dans la forme que dans le fond. Pour les connaisseurs en tout cas.

Ernesto Djédjé boucle ses sorties musicales avec l’album TIZERÉ. Curieusement, il fait une chanson entre temps où il rend hommage à tous les artistes musiciens ivoiriens de l’époque. Cette chanson sera considérée après comme un adieu déguisé qu’il leur faisait. En effet, Ernesto Djédjé meurt subitement à Yamoussoukro le jeudi 9 juin 1983, au sommet de son art. Sur la cause réelle de sa mort brutale, plusieurs théories et légendes ont foisonné. Ce qui est certain, sa mort a arraché à la Côte d’Ivoire une virtuose, un génie. Il n’avait que…36 ans. Sa musique est éternelle. Mais aussi ses pas de danse inimitables.

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