
Le professeur Étienne-Émile Baulieu, médecin et chercheur français à l’origine de la pilule abortive (RU-486), est décédé vendredi à son domicile parisien à l’âge de 98 ans, a annoncé son épouse à l’Agence France-Presse.
Scientifique de renommée mondiale, ancien résistant et ami d’artistes comme Andy Warhol, Baulieu laisse derrière lui un héritage scientifique qui a profondément marqué le XXᵉ et le XXIᵉ siècle.
« Ses recherches étaient guidées par son engagement en faveur du progrès scientifique, son dévouement à la liberté des femmes et sa volonté de permettre à chacun de vivre mieux et plus longtemps », a déclaré Simone Harari Baulieu, son épouse, dans un communiqué.
Le président Emmanuel Macron lui a rendu hommage, saluant un « modèle de courage » et un « esprit progressiste qui a permis aux femmes de conquérir leur liberté ». « Peu de Français ont autant changé le monde », a-t-il ajouté sur X.
Baulieu doit sa notoriété à la découverte de la mifépristone (RU-486) en 1982, une molécule bloquant l’effet de la progestérone et permettant une interruption médicamenteuse de grossesse. Cette innovation a offert une alternative moins invasive et plus accessible que l’avortement chirurgical, transformant la vie de millions de femmes.
Pendant des décennies, le chercheur a milité pour sa légalisation, affrontant critiques et menaces des opposants à l’IVG. Lorsque le Wyoming est devenu, en 2023, le premier État américain à interdire la pilule abortive, Baulieu, alors âgé de 96 ans, avait dénoncé un recul « scandaleux ».
« J’ai consacré ma vie à accroître la liberté des femmes », avait-il affirmé à l’AFP.
Né Étienne Blum le 12 décembre 1926 à Strasbourg dans une famille juive, il perd son père, médecin, et est élevé par une mère féministe. À 15 ans, il rejoint la Résistance sous le pseudonyme d’Émile Baulieu – un nom qu’il conservera.
Après la guerre, il se spécialise dans les hormones stéroïdes. Remarqué par Gregory Pincus, inventeur de la pilule contraceptive, il oriente ses travaux vers la reproduction. De retour en France, ses recherches aboutissent à la mifépristone, malgré les procès et campagnes de diffamation menés par les anti-avortement, qui l’accusaient d’avoir créé une « pilule mortelle ».
La ministre française de l’Égalité, Aurore Bergé, a salué un homme guidé par « la dignité humaine », tandis que la communauté scientifique pleure un « géant » de la médecine.
Son combat reste d’actualité : en 2024, l’accès à la pilule abortive reste contesté dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis.
Étienne-Émile Baulieu laisse une œuvre qui transcende la science, mêlant progrès médical et engagement pour l’émancipation des femmes. Comme il le disait lui-même : « La liberté ne se donne pas, elle se conquiert. »