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Témoignage poignant d’Aurélien : »Je suis laid. C’est une chance »

Le site de 7sur7.be, ce 10 mai 2016, relate comment Aurélien a appris à se faire une place au sein d’une société qui divise le monde en deux: les beaux et les autres.

« Je suis laid », déclare sans détour Aurélien. « J’aimerais vous dire que j’ai facilement appris à vivre avec ça. Sauf que c’est impossible: le regard des autres, dans les échanges les plus anodins de tous les jours, me ramène constamment à une sorte de différence, profonde, entre eux et moi. Ils appartiennent à un monde, moi à un autre. »

Pour Aurélien cette différence n’est que le fruit du pur hasard. Pourtant, les personnes belles se comportent souvent comme si elles avaient « mérité » leur physique avantageux.

« Les petites pépées, les petits mecs qui ont la chance d’être beaux et qui le montrent deux fois par jour sur leur compte Instagram se mettent en tête qu’ils ont, je ne sais comment, mérité leur beauté; ils peuvent ainsi, légitimement, exister avec les honneurs et les compliments, tandis que les autres sont condamnés au silence de leur aspect. »

Aurélien précise que dès son enfance il a été confronté à la cruauté de ses camarades.

« J’ai été forcé à la solitude dès la maternelle. Je peux presque dire, en y réfléchissant, que ce sentiment de rejet est instinctif. Dès l’Antiquité, on pense qu’il existe un lien entre le Beau et le Bien: les personnes laides doivent ainsi forcément avoir des vices – leur apparence indiquant la laideur qu’ils portent en eux. Alors on les ostracise. On les rejette parfois hors des villes, on les force à la discrétion. »

Pour illustré sa pensée, il cite le célèbre philosophe grec, Socrate, connu pour sa laideur.

« Il a dû penser un autre type de rapport au monde que ceux admis par ses contemporains. C’est un chemin auquel il a été acculé, comme moi, comme tous les moches sur cette terre; et pourtant il en a tiré quelque chose d’assez important pour influencer le mode de pensée de toute une civilisation – la nôtre. »

Après avoir été rejeté par la société, le jeune homme a dû construire son propre monde.

« Les livres, la musique, les jeux vidéo ne me jugeaient pas. Je ne me livrais alors qu’à eux, et j’y trouvais l’histoire de personnages qui étaient eux aussi en décalage avec le monde. »

Il s’investit à fond dans sa vie professionnelle en développant aussi ses intérêts culturels.

« J’ai d’abord eu la conscience, dès l’enfance, qu’il faudrait travailler dur pour atteindre mes objectifs. De ce fait, rien ne me serait donné sous réserve de montrer ma belle gueule: les compétences que je devrais avoir, dans n’importe quel domaine, devraient être réelles – et en réalité souvent au-delà de celles exigées pour le poste. Travailler plus dur pour avoir la même chose. »

Le jeune homme réussit à se faire respecter dans la société grâce à ses efforts.


« Il faudrait le dire à plus de gens: les choses de l’esprit finissent par ressortir sur le visage. Elles sont sensibles, elles se voient. À l’heure où la littérature apparaît plus que jamais comme le domaine de prédilection des fragiles, toutes ces vies que j’ai lues m’ont pourtant permis d’imposer à mon tour mon « droit à exister » face au monde. »

« Aller toujours de l’avant, faire toujours plus d’efforts: là où la majorité des gens se contentent de vivre à moitié de peur d’être déçus par « quelque chose » qu’ils n’arrivent même pas à penser, je tente et vis tout de la manière la plus entière possible », explique Aurélien, qui agit de la même manière dans le domaine amoureux. « Je me donne tout entier, pour chaque histoire et dès la première seconde. Impossible d’arriver à quoi que ce soit si j’hésite ne serait-ce qu’un peu. »

Une philosophie qu’il n’aurait jamais connu s’il était né beau.

« Pour tout ça, pour cette manière de vivre particulièrement belle que j’ai réussi à me créer, je ne remercierai jamais assez la nature de m’avoir fait différent des autres. Être laid est une chance parce que cela nous oblige à vivre notre vie de manière, permettez-moi de lâcher le mot, poétique. »

« La poïesis, en grec, est ce qui permet de faire passer n’importe quoi du non-être à l’être: c’est une création », ajoute Aurélien avant de conclure: « La vraie beauté n’est pas naturelle ou hasardeuse, elle se crée à partir d’un travail – un travail sur soi et sur le monde. La laideur est une chance, parce qu’elle donne accès au réel avant les autres. Partir de rien, tout construire, pour parvenir à se façonner un art de vivre. »

Qu’en pensez-vous ?

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